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Les bénéfices du doute, en matière de création

Publié le par L'atelier d'Annik

C'est mon tour. C'est mon tour de douter, de ne plus savoir.
Un interstice s'est ouvert dans ma production: quel inconfort… J'en suis heureuse, car je commençais à me sentir vraiment insatisfaite, et c'était encore plus difficile à vivre.
Tout à coup, il a fallu que je fasse sauter le bouchon, que je procède autrement. Comment, je n'en sais rien, mais autrement.
Je ne sais plus, je doute, mais tant mieux.

Le confort est un piège*. Il évite l'angoisse, c'est certain. Mais il évite aussi la satisfaction…
Le geste est sûr, la certitude du résultat sécurisante, mais lorsque rien n'échappe à la maîtrise, il n'y a pas de surprise, pas d'interstice, pas de vibration, pas de jubilation, pas de vie.
Il y a aussi dans la bouche un goût amer, car nous savons que nous nous sommes amputés d'une partie vivante de nous-mêmes.
Malgré cela, il y a cette petite voix au fond de nous, qui insiste et qui dit: "Pourquoi te réfugies-tu dans une prison? Pourquoi te masques-tu les yeux? Pourquoi n'avances-tu pas courageusement là où tu sais que tu dois aller, au fond de toi? Pourquoi ne fais-tu pas les gestes qui sont vitaux pour toi?
Nous nous bouchons les oreilles de toutes nos forces pour ne pas l'entendre. Oui, certes, il y a cette insatisfaction, qui traîne comme un brouillard pesant au fond de nous, mais qu'importe, nous ne désirons  pas vraiment quitter notre confort.

Puis un jour, ce brouillard commence à monter, monter inexorablement. Nous ne pouvons plus refouler ce désir, longtemps bridé. Il faut lâcher ce que nous avons construit pour nous rassurer. Nous devons retourner au bord du vide. Il s'agit à ce moment de vie ou de mort – du moins en avons-nous l'impression.
Rester dans ce marasme, nous le sentons bien, c'est au moins une petite mort: l'anesthésie progressive, la distance de plus en plus grande avec nous-mêmes, l'insatisfaction qui monte et nous étouffe…
Pour nous sentir à nouveau vivants, nous devons nous remettre en route. Nous devons risquer de tomber, risquer le ridicule, risquer de nous perdre, risquer de prendre de grandes claques, risquer de nous éloigner de nos semblables, risquer le tout pour le tout. Nous devons braver le regard d'autrui qui nous implore de ne pas quitter le connu. Nous devons nous mettre en danger. Nous devons retrouver le vivant en nous.



Le mystère Picasso

Et qu'est-ce que le danger, finalement?
Le danger, c'est de quitter les terrains familiers pour défricher de nouvelles terres.
Le danger, c'est s'investir corps et âme dans une création, c'est se battre jusqu'à ce que quelque chose de juste et vrai se fasse jour. Le danger, c'est qu'une part de soi encore inconnue de nous se montre, et que nous ayons à la faire voir, à la reconnaître.

Pour moi, les critères sont simples, finalement. Lorsque je crée la peur au ventre, c'est que quelque chose de vrai va se passer. C'est le vivant.
Lorsque j'ai peur de tout abîmer, c'est que je suis en train de figer, de freiner pour rester dans le connu. C'est le mort.
Là, il n'y a qu'une chose à faire: trancher dans le vif pour réinjecter de la vie, aussi contradictoire que ça puisse paraître.

*[le piège du confort, en matière de création, comme dans d'autres domaines, voir mon article sur Home et les raisons qui font à mon avis qu'on ne change pas de cap immédiatement]
Processus de création
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S
Bonsoir!!<br /> <br /> Le doute en matière de création, je pense qu'il est un moteur si on le considère au-delà de son aspect "bloquant".<br /> Douter, se poser des questions, réfléchir à soi et à l'expression de sa créativité, c'est aussi être honnête : on se remet en question, on ne choisit pas une voie de facilité.<br /> <br /> Mais attention au doute pathologique qui dériverait en "doute de soi" et en manque de confiance... il deviendrait un terrible frein...<br /> <br /> Bonne soirée!<br /> Sandy
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L
<br /> Merci Sandy! C'est vrai qu'il y a plusieurs sortes de doutes. Mais je pense que de toute manière c'est un signal que quelque chose ne tourne pas rond, qu'on n'est pas en parfait accord avec soi.<br /> Lorsqu'il est pathologique et bloquant, c'est peut-être qu'on ne considère pas la création sous le bon angle – par rapport à soi.<br /> Bonne soirée aussi!<br /> <br /> <br />
G
Bonjour,<br /> <br /> ce grand moment de cinéma où l'on voit Picasso recommencer, encore et encore. Oui, tu as raison, le doute nous permet ainsi d'avancer, de continuer, d'être là...Récemment j'ai détruis une grande toile pour laquelle je ne pouvais plus rien; il y eu après la déception, la colère, c'est toujours douloureux, mais je sais que ce geste me ramène à la vérité de la création; rien n'est définit à l'avance, rien n'est acquis, même avec l'expérience, et tant mieux, cela veut dire que l'aventure peut continuer...<br /> <br /> Un plaisir de revenir faire un tour sur ton blog...à bientôt. Gaetano
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L
<br /> Merci Gaetano, et de ta visite et de ton commentaire encourageant. A bientôt.<br /> <br /> <br />
P
mon commentaire à déjà quelques jours mais je pense qu'il n'est pas parvenu jusqu'à vous, alors dans le "DOUTE" je l'édite à nouveau... <br /> Merci beaucoup Annik pour votre commentaire sur ma dernière série sur le vent… C’est vrai que je n’ai pas trop peur de cet élément, car je suis très sensible à l’idée de souffle, de légèreté. Le vent balaye, fait tourbillonner, il enivre, fait le ménage ! C’est bon pour la pensée. Par contre il m’a souvent semblé une gêne pour la photographie, "la mise au point" jusqu’au jour ou j’ai compris qu’il était préférable d’en jouer et de composer avec. Pourquoi toujours être net ? j'aime ce brossé large que le vent propose.<br /> En ce qui concerne votre texte sur le doute que je viens de lire avec beaucoup d’intérêt, je suis de ceux qui ont fait du doute une sorte de philosophie - opposée à l’esprit gagneur et du tout positif qui règne en maître depuis de nombreuses années! ce qui me fait horreur - Il y a beaucoup à apprendre en période de profond doute, en premier qu’il est nécessaire de laisser advenir, qu’il ne faut surtout pas perdre confiance, que toute crise dans la création est une sorte de mue indispensable… C’est parfois long cruel et désespérant. Votre texte est très beau et fort… merci de m’en avoir fait profiter. Que le vent vous emporte vers de toutes nouvelles créations! Pierre
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L
<br /> Merci de votre commentaire, Pierre. Je l'avais déjà lu sur votre blog, où je ne voulais pas vous encombrer par une réponse. Il me fait beaucoup de bien. Oui, laisser advenir. Je vais prendre<br /> quelques jours de "vacances de création", c'est ce que j'ai de mieux à faire. M'emplir de ce qui m'entoure, de ce que je ressens, et laisser faire. Je suis certaine que quelque chose va se passer.<br /> J'ai effectivement besoin de retrouver le contact avec quelque chose de perdu, en tout cas de vue. Que le vent vous inspire d'autres créations, aussi belles et fortes que celles que j'ai vues chez<br /> vous.<br /> <br /> <br />
J
Il y a comme un nuage (pour d'autres: une chape) de doute qui plane au dessus de la blogosphère. Franchement, moi, je doute tous les jours, je me demande aussi tout le temps si je suis bien à la hauteur de réaliser une oeuvre et je me sens toute petite. Si, un jour, je ne doute pas, j'appelle cela une état de grâce. Bon courage, Annik, car sous cette chape il y a des cycles d'intensité.
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L
<br /> Oui, sûrement. J'ai envie d'autre chose, surtout. On verra. C'est un tournant… Merci Josée!<br /> <br /> <br />
J
Je me retrouve bien dans ton article ! Tu as bien mis en mots ces instants de doute, puis de se surpasser, de se ressourcer dans le fond de soi-même; il faut beaucoup de courage pour créer ! J'apprécie beaucoup tes articles, ton travail et cette communauté qui permet des échanges ! Bon weekend @+
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L
<br /> Merci beaucoup… En effet, ça doit bien être universel, le doute! Bon week-end à toi aussi.<br /> <br /> <br />