En attendant… Godot?
Les gestes que je connais sont sûrs d'eux, mais laissent des traces mièvres, creuses, fausses, prétentieuses, ampoulées, je hais les voir sur le papier.
J'aime tellement mieux les gestes que je ne connais pas: ils sont pleins d'angoisse, suspendus au bord du vide avant de sauter, mais laissent des traces qui me parlent, m'émerveillent, qui sont sensibles, profondes, simples ou complexes, mais justes, nouvelles…
Le drame c'est que j'ai beaucoup de peine à être suffisamment en phase avec moi-même pour laisser parler les gestes justes. Ils viennent un peu quand ils veulent – et surtout quand je ne les attends pas.
Moins je suis juste, moins ça va, plus je m'énerve… A un certain point d'énervement, parfois, la justesse revient en force (c'est le cas de le dire) et ça explose. Aujourd'hui, ce point d'énervement, il est haut. Très, très haut… Si haut qu'il monte encore et que je peine à en atteindre le sommet. J'attends toujours…
Et puis je renonce. Aujourd'hui, non, ce n'était pas l'explosion de colère qui allait me libérer. C'est le désespoir. A quoi bon. Tout arrêter. M'asseoir dans le canapé et bouffer des biscuits.
Je prends une nouvelle feuille. Le désespoir est une trace blanche sur fond blanc, aujourd'hui. Puis du gris. Le blanc, gras, réapparaît. Je recommence à exister. Puis des traits noirs, fins, entrelacés. Ça y est, je suis là. Me voici enfin. Epuisée, essorée, enfin calmée.