La loi de la meute
Si les animaux se regroupent en meutes, en hordes ou en bandes, c'est que la force du groupe est supérieure à la somme des individus qui le composent. Le groupe est puissant, aussi bien dans ses effets de protection des individus que dans ses lois. Il y a les individus dominants (souvent des mâles), et les dominés. Le dominant gagne son pouvoir en faisant preuve de sa force sur les autres, qui se soumettent. Les soumis baissent la tête, offrent leur gorge, faisant acte d'allégeance.
Ainsi en va-t-il de nous, humains: nous sommes des animaux grégaires. Je me répète hélas, nos fonctionnement sociaux n'ont guère changé depuis la nuit des temps, et l'écart entre les moyens matériels, intellectuels dont nous disposons et notre évolution en termes de comportement et maturité affective n'a cessé de se creuser.
Les ravages les plus profonds et les plus visibles de notre société se produisent sur notre environnement naturel, ainsi qu'économique et social.
Mais il en est de plus subtils, qui font que nous reproduisons le même à l'infini: les modes de communication.
Le syllogisme me paraît être le suivant:
- ceux qui ont le pouvoir imposent
- tout le monde court après le pouvoir
- tout le monde obéit, car personne n'a jamais suffisamment de pouvoir à son goût.
Ainsi, la souffrance s'installe, tant chez ceux qui désirent le pouvoir, refoulant par là une large part d'eux-mêmes, celle qui est sensible, que chez ceux qui subissent l'imposition de ces miettes de pouvoir.
Aucun groupe, aucune institution n'est à l'abri de cela, même chez ceux qui réfléchissent à la marche du monde…
Pourtant, le monde ne commence pas à la frontière de notre peau – le monde du dedans, les émotions et les rapports humains en font partie.
Mais de quoi ce désir de pouvoir nous protège-t-il?
De l'angoisse de manquer, de mourir? De la crainte d'être soumis, dépendant? Du sentiment de ne servir à rien, angoisse d'être réduit à néant? De notre possessivité, de sentir la haine qui couve en nous?
Ces pulsions anciennes de possession du monde sont si ancrées, intimement liées à des angoisses originaires de vie ou de mort, que nous les transposons partout, avec leur cortège destructeur: avidité, envie, haine – et autour de nous.
Le monde que nous avons construit est assis là-dessus. Nous régressons. Nous sommes en proie aux pulsions. Nous n'avons plus conscience de leur impact sur le groupe social dont nous faisons partie, et reconnaissons à grand'peine celui sur l'environnement.
Il est temps de grandir, de cesser de se croire chacun le centre du monde, d'affronter nos peurs et nos angoisses, et de cesser de tenter de les atténuer en consommant et en accumulant toujours plus de biens.
Sans quoi, et nous le savons, nous nous exposons au pire, socialement, du point de vue de l'environnement, des déplacements de population, et j'en passe.
Je dois dire que je suis pessimiste. Il me semble que nous n'avons plus le temps de grandir, de prendre chacun nos responsabilités. Les dirigeants sont corrompus, assoiffés de pouvoir, et nous ne pouvons pas compter sur eux pour proposer un cadre légal qui contiendrait nos pulsions: juste une réponse répressive, forcément explosive à terme.
Il ne me reste qu'à écrire, et à souffler sur la douce sphère blanche du pissenlit en rêvant que ses parachutes délicats portent au loin une petite graine d'alerte à la barbarie, une de désir de respect, une autre de besoin de congruence, une autre d'empathie, une autre de responsabilité, et beaucoup de désirs de croissance personnelle, et non matérielle… Le rêve est puissant, mais le sera-t-il assez?