Différents niveaux de réalité
- • La réalité extérieure, celle qu'on embrasse par le regard et dont nous rendent compte nos perceptions, articulées à notre structure: expérience, souvenirs, culture,…
- • Les fantasmagories, les évocations: la réalité extérieure, à laquelle vient se surajouter tout le domaine de l'imaginaire, qui pivote autour de notre univers de sentiments, teinté par la mémoire de notre rapport au monde;
- • Et il y a la réalité intérieure: le monde des sensations, des affects ou états d'être, bruts de décoffrage.
C'est ce dernier niveau qui m'intéresse. J'éprouve un réel besoin de connaître, instant après instant, l'état de ma météo intérieure, et ce niveau de réalité intérieure est pour moi plus profond et plus juste.
Lorsque je crée, et que je parviens à être en lien sans fard avec ce niveau-là, c'est comme si je grattouillais en même temps que mon support des strates profondes en moi et qu'un lien direct s'établissait avec le monde des sensations de corps, pas même élaborées en sentiments, tout en mouvement, vivantes, encore toutes chaudes.
Ce n'est finalement pas d'exposer sur le papier ce peuple des tréfonds qui m'intéresse, mais qu'au moment où je crée, le lien qui s'établit avec ce monde me procure une sensation d'être juste, alignée, en phase avec moi-même; c'est de cette sensation-là que j'ai besoin.
Ce qui reste sur le papier, ce ne sont que des scories. Des mues, des traces d'un instant passé.
Et lorsque mon geste est vraiment juste, libre, débarrassé de toute bienséance, ce que je vois apparaître sur le papier est à la fois mien et non mien, simultanément neuf et déjà vécu.
Ce n'est pas le résultat volontaire d'un savoir acquis, c'est l'intersection inopinée dans le plan de la feuille des gestes d'une vie et d'un état affectif immédiat.
C'est justement la précision de cette intersection qui me ravit… lorsqu'elle produit.