Par où changer le monde? (2)
Par où changer le monde? (1): L'état du monde
2. Comment pouvons-nous agir?
Les moyens que nous avons à portée de la main me paraissent limités…
- la révolution, avec la question béante de savoir s'il est possible gérer le déséquilibre profond et les blessures infligées par une révolution, et si un quelconque leader pourrait être capable d'emmener des foules sur un chemin qui ne soit pas celui du fanatisme ou de la dictature, mais d'une évolution constructive;
- le développement de chaque individu, avec l'autre question brûlante: savoir si nous serons en mesure d'aller assez vite pour assurer la survie de l'espèce. Pourtant, sans évolution émotionnelle et affective, l'histoire tourne en rond et nous répétons les mêmes erreurs à l'infini (insatisfaction > désir de plus de biens au détriment de l'ensemble > déséquilibre > danger pour l'ensemble). Toutes les civilsations qui nous ont précédés se sont écroulées à cause de ce mécanisme.
Pour moi, le choix est clair. C'est la deuxième alternative la plus viable. Mais vite…
Comment pouvons-nous devenir plus responsables de nos actes, de notre lien aux ressources communes, des échanges que nous avons avec les autres?
Pour ma part, ma capacité d'endosser cette responablilité est proportionnelle à ma sensibilité – à moi-même, à ce qui m'entoure.
Plus je suis sensible et ouverte à mes perceptions, sensations et émotions, à mon insertion dans le monde, plus j'ai besoin d'être bien calée, en accord avec moi-même et ce qui m'entoure. En état de sensibilité, les entorses à ce que je sais et sens être juste me font trébucher toute entière.
La peinture est pour moi un chemin très direct vers cette attitude. Créer me maintient debout, mieux vivante, me permet de ressentir, au jour le jour, les variations de mon rapport au monde.
Ce chemin est direct… mais lent.
Je suis pessimiste, car nous n'avons pas le temps.
Et en même temps je rêve.
Il me semble que c'est le dernier recours.
Je rêve que les humains, chacun pour eux, grandissent, se retournent sur leur ombre, l'emportent avec eux et la chérissent, au lieu de la fuir comme des perdus.
Je rêve que leur ombre, perchée sur leur épaule, chuchote sans cesse à leur oreille, leur décrit à tout instant ce qui grouille au fond d'eux: leurs peurs, leurs angoisses, leurs frustrations, leur mauvaise humeur, leurs désirs de pouvoir, leur haine, leur envie, leur avidité. Elle raconte les monstres, et en même temps, elle rit aux éclats de ces minuscules cataclysmes fantasmés, si dérisoires à l'échelle de l'humanité.
Je rêve de cette ombre qui rit, rit de toutes ses dents; je rêve que les humains, chacun pour eux, écoutent leur ombre, et petit à petit baissent la garde, sourient en-dedans d'eux, puis que leur torse se contracte spasmodiquement, laissant monter l'air par saccades jusqu'à la gorge, puis éclatent en un gigantesque fou-rire salvateur, catharsis enfin…
Je rêve à haute voix: à quoi sert un rêve tu?
Ainsi peut-être mon rêve sera-t-il entendu par d'autres rêveurs du même rêve. Ensemble, nous pourrons former un ruisseau. Puis une rivière. Puis un fleuve. Puis un océan. Puis un tsunami. Puis la médiocrité sera balayée…