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La vague – Die Welle

Publié le par L'atelier d'Annik

Vu "La vague" hier soir.
J'en suis sortie profondément remuée par un sentiment de désespoir.

Une chose que je savais déjà, au plus profond de moi: la "bête immonde", la tentation du fascisme, gît en chacun de nous. Je me le dis à chaque commémoration de l'holocauste, à chaque indignation devant les génocides du Rwanda: il n'y a pas de bourreaux d'un côté, de victimes de l'autre. Nous sommes tous potentiellement l'un et l'autre, en fonction des circonstances. Aucun de nous n'est capable de dire, dans des circonstances porteuses, s'il ne serait pas capable devenir à tout le moins silencieux, collabo, voire tortionnaire. Pour ma part, je n'en sais rien… Je souhaite sincèrement être assez forte pour faire preuve de courage et de lucidité…

Ce dont je me doutais sans l'avoir vécu, c'est qu'il est facile d'être soudé par une idéologie, aussi fausse soit-elle. Mais facile à ce point-là, je n'osais pas l'imaginer.

Ce que j'ai pris en pleine figure, que je savais déjà, mais que ce film le montre de manière magistrale, c'est que ces comportements dévastateurs puisent leur source dans la plus profonde misère humaine, la plus grande détresse, la plus grande solitude. La force de ces idéologies totalitaires est d'effacer le moi, l'ego souffrant, au profit d'une identité plus large, partagée, sécurisante dans le sens où elle dispense de penser.

Et mon désespoir vient de là. Dans nos sociétés repues, où peu d'individus manquent des éléments nécessaires à leur survie, les blessures affectives sont nombreuses et profondes, et peu ont les ressources pour métaboliser ces souffrances. L'évolution affective est tellement lente, tellement en retard par rapport aux découvertes technologiques, aux moyens matériels dont nous disposons…
Le terreau est bel et bien en place pour la prochaine catastrophe. Les individus peu matures, les blessures intimes, la frustration devant les incitations à la consommation, simultanément à des moyens matériels qui rétrécissent comme peau de chagrin.

C'est mon souhait, c'est ma prière, c'est mon désir le plus profond:
Attention… Ne laissons pas nos désirs de pouvoir nous enivrer. Ne faisons pas l'économie de faire face à nos blessures, ni celle de penser. Ne perdons pas de vue ce qui fait de nous fondamentalement des humains, plutôt qu'une meute.
Grandissons, mûrissons comme des fruits au soleil, conscients d'où leur vient la sève, cessons de saccager la vie en nous et autour de nous…

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La vague (die Welle)
"Un film de Dennis Gansel
Avec Jürgen Vogel, Frederick Lau, Max Riemelt, Jennifer Ulrich.

Tiré d’un roman de Todd Strasser qui s'inspire d'une expérience réelle menée en 1967 par un professeur d’histoire, Ron Jones, à Palo Alto, en Californie. Ron Jones démontra à quel point le modèle totalitaire du fascisme pouvait être envoûtant au yeux des élèves d'un lycée de Palo Alto. Ceux-ci étaient en effet parvenus à former en l'espace d'une semaine seulement un groupe soudé, discipliné, obéissant à des rigoureuses règles d'admission et plaçant la communauté au-dessus de tout. Adaptation du livre de Morton Rhue relatant la glaçante expérience de Ron Jones, transposée dans l'Allemagne contemporaine.
Analyse du film par le Nouvel Obs.

La vague, bande-annonce v.o. stf

Commenter cet article
P
Décidément, le cinéma européen bouge !allemand est le seul qui parvient aujourd'hui à traiter de sujets essentiels
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P
Merci pour ces très beaux commentaires comme pour ceux que vous venez de m'adresser sur ma réaction à ce film lumineux !
Répondre
L
<br /> Le vôtre est plus construit et plus documenté. Le mien est une réaction un plus émotionnelle: ils se complètent peut-être…<br /> <br /> <br />